Abstract: |
Cet article analyse les ajustements du marché du travail brésilien sur longue
période, notamment lors des périodes de crise macroéconomique, qui occupent
quasiment la moitié des quarante dernières années. Un des objectifs est de
soumettre les différentes théories de l’informel à l’épreuve des faits, et
tout particulièrement l’hypothèse de son rôle anti-cyclique que lui attribue
la thèse dualiste (le modèle que nous qualifions de crise « canonique »). Sur
le plan empirique, notre approche se base sur un important travail «
d’archéologie statistique » de reconstitution de séries historiques, et de
traitement de première main de millions d’observations de micro-données
d’enquêtes ou de registres administratifs. Les trois angles d’analyse adoptés
(au niveau macro dans une perspective historique, puis en resserrant la focale
sur les seules périodes de crise au niveau le plus fin, et enfin en
recomposant la dynamique d’ensemble sur les deux dernières décennies)
convergent. Parmi les résultats, nous montrons la formidable résilience du
marché du travail brésilien qui s’inscrit dans l’histoire, la disparition
progressive depuis les années 1990 des mécanismes de la crise « canonique »,
supplantée par un processus d’exclusion multiforme (chômage, sous-emploi et
surtout retrait forcé du marché du travail, principale force à l’oeuvre lors
de la crise en cours de la COVID-19), ainsi que l’effacement partiel des
frontières formel/informel, en défaveur des droits des travailleurs. Mais les
crises ne sont pas toujours le meilleur point d’observation : par exemple, la
phase de croissance des années 2000 apparait comme la seule période «
transformative », qui a laissé une empreinte positive et durable sur le monde
du travail, démonstration que des politiques progressistes sont susceptibles
de jouer un rôle de premier plan. En conclusion et en s’appuyant sur nos
résultats, nous ébauchons les perspectives d’un programme de recherche
collectif et de longue haleine. This article analyzes the adjustments of the
Brazilian labor market over the long term, particularly during periods of
macroeconomic crisis, which have occupied almost half of the last forty years.
One of the objectives is to submit the various theories of the informal to
empirical evidence, and in particular the hypothesis of its anti-cyclical role
postulated by the dualist thesis (a model that we qualify as the “canonical
crisis »). Empirically, our approach is based on an important work of
"statistical archeology" to reconstruct historical series, and first-hand
processing of millions of observations of micro-data from surveys or
administrative records. Our three approaches (at the macro level from a
historical perspective, then by narrowing the focus only to the periods of
crisis at the microdata level, and finally by recomposing the overall dynamics
over the last two decades) converge. Among the main findings, we show the
tremendous resilience of the Brazilian labor market, which goes down in
history, the gradual disappearance since the 1990s of the mechanisms of the
“canonical” crisis, supplanted by a process of multifaceted exclusion
(unemployment, underemployment and above all forced withdrawal from the labor
market, the main force at work during the ongoing COVID-19 crisis), as well as
the partial erasure of formal / informal borders, to the detriment of workers'
rights. However, crises are not always the best starting point: for example,
the growth phase of the 2000s appears to be the only “transformative” period,
which left a positive and lasting imprint on the world of work, a
demonstration that progressist policies are likely to play a leading role. In
conclusion and based on our results, we outline the prospects for a collective
and long-term research program. |
Keywords: |
Marché du travail, crises, informalité, dynamique de long terme, Brésil, COVID-19, Labour Market, Crisis, Informality, Long Term Dynamics, Brazil |